Neptune : Le gardien d’un aérodrome déserté

France, 2021 & 2023

Au cœur d’un aérodrome, réside encore un Lockheed P2V-7 Neptune, témoin muet d’une époque où cet espace résonnait encore de l’activité aérienne. Conçu dans les années 1950 par l’entreprise américaine Lockheed, cet avion était spécialisé dans les missions de patrouille maritime et de lutte anti-sous-marine. Opérationnel au sein de la Marine nationale française à partir de 1958, il a servi activement jusqu’à son retrait en 1983, après avoir assuré la surveillance des eaux territoriales françaises durant la Guerre froide.

La première fois que je me suis aventuré sur cet aérodrome désaffecté, le lieu était presque figé dans le temps. L’abandon y était palpable : herbes hautes envahissant les pistes, bâtiments délabrés, et ce Lockheed P2V-7 Neptune, témoin silencieux d’une époque révolue, trônant au milieu du vide. Hormis quelques traces de passage occasionnel, le site semblait oublié de tous, un havre pour les passionnés d’urbex et les amateurs d’histoire aéronautique.

Cependant, lorsque je suis retourné sur les lieux en 2023, l’atmosphère avait radicalement changé. Cette fois-ci, l’aérodrome n’était plus seulement un vestige en ruine. Les traces de passage étaient visibles : des zones récemment nettoyées, des marques de pneus sur les pistes et des indices laissant supposer une activité plus fréquente. Ce n’était pas uniquement le fait de curieux ou d’explorateurs comme moi.

En me renseignant davantage, j’ai appris que cet aérodrome était devenu un lieu de tournage et un site prisé pour des événements. Par exemple, il a servi de décor à des émissions comme Top Gear, qui a profité de ses larges espaces pour des tests automobiles et des scènes spectaculaires. Il a également accueilli des rassemblements, comme celui de La Boiserie, un événement populaire réunissant des passionnés de mécanique et d’automobiles.

Cette nouvelle utilisation du site n’est pas sans conséquence. J’ai découvert que plusieurs personnes avaient récemment été surprises en pleine exploration par des patrouilles de gendarmerie. Ces contrôles sont devenus fréquents, la surveillance du site ayant été renforcée pour éviter des intrusions non autorisées et protéger les installations en cours d’utilisation.

Ce contraste entre l’abandon marqué de ma première visite et l’animation récente du lieu montre à quel point cet aérodrome est passé d’un simple vestige oublié à un espace réhabilité pour des projets modernes. Pourtant, malgré ces changements, le Neptune reste là, immobile et témoin de toutes ces transformations.


Retournons à nos avions ! 

Revenons donc sur la première fois où j’ai infiltré cet aérodrome. Avant de m’y rendre, j’avais repéré un endroit stratégique via Google Maps pour garer ma voiture et m’introduire sur le site en toute discrétion. Une fois sur place, il m’a fallu marcher un certain temps à travers des zones envahies par la végétation et les vestiges du passé. Au départ, l’avion que je cherchais n’était pas visible. Puis, au loin, j’ai aperçu cette énorme silhouette métallique. Plus je me rapprochais, plus la grandeur de cet appareil, le Neptune, devenait saisissante.

L’extérieur de l’appareil reflétait une robustesse propre à son époque : son fuselage allongé, ses moteurs impressionnants, et le poste d’équipage vitré rappelaient immédiatement son rôle stratégique dans la patrouille maritime.

 L’intérieur, bien que marqué par les années, montre encore les équipements sophistiqués pour son temps, comme les radars de détection sous-marine et les systèmes de communication avancés. Chaque détail rappelle la technicité et l’innovation qui caractérisaient cet avion.

 Bien que le Neptune soit aujourd’hui le dernier vestige de cette flotte, il fut loin d’être le seul avion à avoir stationné sur cette base. À ses côtés, des appareils tels que l’énorme et majestueux Nord 2501 Noratlas ou encore le Republic F-84 Thunderjet ont marqué les lieux. Ces avions, tous différents dans leur conception et leur utilisation, ont contribué à l’activité militaire et logistique de l’aérodrome, avant d’être progressivement remplacés ou démantelés.

Aujourd’hui, le Neptune fait office de grand gardien silencieux, un fragment d’histoire laissé à la merci du temps, reposant en fin de piste. Toutefois, son potentiel transfert vers le Musée de l’Air et de l’Espace du Bourget devrait lui permettre de retrouver une seconde vie, offrant aux visiteurs une plongée dans cette époque où ces géants des airs jouaient un rôle clé dans la défense nationale.